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Le Marchand de Nuits

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Tout au bout d’une rue que personne ne remarque vraiment, là où les pavés sont fissurés et où les réverbères clignotent sans raison, se trouvait une boutique dont personne ne se souvenait vraiment. Coincée entre un café toujours vide et une librairie qui ne vendait que des livres jaunis par le temps, elle semblait abandonnée. Son enseigne, trop effacée, ne laissait plus deviner son nom, et sa vitrine était couverte d’une fine couche de poussière. Pourtant, chaque soir, une lueur pâle brillait derrière la porte.

Théo passait souvent devant en rentrant de l’école, mais il ne s’y était jamais arrêté. Ce soir-là, il marchait plus lentement que d’habitude. Il traînait des pieds, le sac à dos lourd sur ses épaules. Sa journée avait été compliquée. Une dispute avec un ami, une mauvaise note en mathématiques… Rien n’avait tourné comme il l’espérait. Il poussa un soupir et, sans vraiment savoir pourquoi, il s’arrêta devant la boutique.

De près, il aperçut des objets étranges derrière la vitrine sale : des réveils arrêtés à des heures différentes, des fioles remplies d’un liquide sombre, des lampes sans ampoule et des montres à gousset dont les aiguilles semblaient tourner à l’envers. L’endroit lui donna un frisson inexplicable.

Il posa la main sur la poignée.

La porte s’ouvrit toute seule, dans un silence total.

L’intérieur était plus vaste qu’il ne l’avait imaginé. Une lumière tamisée éclairait un comptoir en bois massif. Il y avait des meubles anciens, des étagères chargées de livres aux couvertures abîmées, et des tiroirs dont certains étaient entrouverts, laissant apercevoir des fragments d’objets qu’il ne reconnaissait pas. L’air sentait un mélange de cire fondue et de vieux papier.

— Bonsoir, dit une voix grave.

Théo sursauta.

Derrière le comptoir, un homme se tenait debout, l’observant derrière des lunettes rondes qui reflétaient la lumière des lampes suspendues. Il était grand et portait un long manteau sombre. Sa barbe était soigneusement taillée, et ses mains, croisées devant lui, semblaient attendre quelque chose.

— Je t’attendais, ajouta-t-il d’un ton calme.

Théo hésita.

— Moi ?

— Bien sûr. Les enfants fatigués de leurs journées finissent toujours par arriver ici.

Il n’y avait rien de menaçant dans sa voix. Pourtant, Théo sentit un frisson lui parcourir le dos.

Le marchand se tourna vers une étagère derrière lui et sortit une boîte en bois sombre, décorée de motifs gravés. Il la posa doucement sur le comptoir.

— Ceci t’appartient, dit-il simplement.

Théo fronça les sourcils. Il n’avait jamais vu cette boîte.

— Vous devez vous tromper…

— Ouvre-la, l’encouragea l’homme en croisant les bras.

Hésitant, Théo souleva lentement le couvercle.

À l’intérieur, un petit carnet noir était posé sur du velours bleu nuit. Il le prit entre ses mains et l’ouvrit. Dès qu’il aperçut la première page, son souffle se coupa.

Son nom.

Écrit à l’encre noire.

De son écriture.

Il tourna une autre page.

Des phrases écrites par lui. Des dessins. Des morceaux d’histoires.

Des rêves.

Des choses qu’il avait oubliées au réveil.

— Ce carnet contient toutes les nuits que tu as perdues, expliqua le marchand. Tous les rêves que tu as laissés s’effacer au matin.

Théo leva les yeux.

— Comment est-ce possible ?

Le marchand eut un léger sourire, mais il ne répondit pas.

Théo se remit à feuilleter le carnet.

Une page représentait un immense arbre aux branches scintillantes, sous lequel il avait l’impression d’être déjà venu. Une autre montrait une immense porte en pierre, ornée de symboles qu’il ne comprenait pas. Puis il tomba sur une page couverte d’étoiles et d’un ciel nocturne profond.

Un détail attira son attention.

Il y avait une porte dessinée au centre des étoiles. Et en dessous, quelques mots écrits en lettres fines :

"Celui qui se souvient peut franchir la nuit."

Une bourrasque traversa la boutique.

Théo releva brusquement la tête.

La boutique était vide.

Le marchand avait disparu.

Il fit volte-face. La porte était entrebâillée, et dehors, la nuit était tombée. Pourtant, il était sûr qu’il n’avait passé que quelques minutes à l’intérieur.

Un frisson lui parcourut l’échine. Il referma précipitamment le carnet, le serra contre lui et sortit sans se retourner.

Le lendemain matin, il se réveilla avec une sensation étrange.

Quelque chose avait changé.

Son carnet était posé sur son bureau, là où il l’avait laissé la veille.

Hésitant, il l’ouvrit à nouveau.

Les pages avaient changé.

Certaines phrases avaient disparu, d’autres étaient apparues. De nouveaux dessins, de nouveaux lieux qu’il ne reconnaissait pas mais qui lui semblaient pourtant familiers.

Puis, il tomba sur une nouvelle phrase.

"Cette nuit, la porte s’est entrouverte."


Ce soir-là, Théo s’endormit plus vite que d’habitude.

Dans son rêve, il marchait sur un sentier argenté qui flottait dans le ciel. Autour de lui, des lanternes suspendues brillaient doucement, illuminant un paysage infini de brume et de lumière.

Au bout du sentier, la porte était là.

Elle était immense, couverte des mêmes symboles que sur la page de son carnet.

Il s’arrêta devant, son cœur battant plus fort.

Devait-il l’ouvrir ?

Un souffle passa derrière lui.

Il se retourna et vit une silhouette familière, cachée sous un manteau sombre.

Le marchand.

— Tu es revenu, dit-il simplement.

Théo hésita.

— Qu’y a-t-il derrière la porte ?

Le marchand esquissa un léger sourire.

— Seuls ceux qui osent entrer le découvrent.

Théo posa la main sur la poignée.

Au moment où il commença à la tourner, il sentit un frisson parcourir tout son corps.

Puis, tout devint blanc.


Le matin suivant, Théo se réveilla en sursaut.

Il était dans son lit, la lumière du soleil perçant à travers les rideaux. Il se redressa, le cœur battant encore.

Sur son bureau, le carnet était ouvert.

Sur la première page, une phrase avait été ajoutée pendant la nuit :

"La porte est ouverte."

Théo sourit.

Il savait qu’il ne reverrait jamais la boutique.

Mais il savait aussi qu’elle existerait toujours, quelque part entre le rêve et la réalité.

Et que, désormais, ses nuits ne seraient plus jamais les mêmes.

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